Selon l’OMS, 25 % de la population générale est touchée à un moment ou un autre de sa vie par des troubles mentaux et aujourd’hui, cela constitue un enjeu de santé primordial [1]. Face aux problèmes de santé mentale, le médecin généraliste est le premier interlocuteur [2]. Il évalue les patients et les oriente selon la sévérité des troubles, vers un psychologue ou un psychiatre. Toutefois, les médecins généralistes se sentent démunis face aux problèmes de santé mentale. Ils éprouvent des difficultés à identifier les parcours de soins adéquats et près de deux médecins sur trois sont déçus de leur coopération avec les psychiatres [3].
Une méconnaissance de l’autre
En 2004, l’étude ESEMeD montrait que la France était le pays où le recours au médecin généraliste est le plus fréquent pour des problèmes de santé mentale [4] puisque 20 à 30 % de leurs consultations seraient liées à ces troubles [5]. Il est le premier prescripteur de traitements psychotropes [2][5]. Bien que les médecins généralistes semblent favorables aux psychothérapies notamment dans la prise en charge des dépressions [3], ils en prescrivent peu. En 2014, seulement 14 % des personnes suivies ou ayant été suivies pour un problème psychologique ou une maladie mentale, déclarent avoir eu recours à une psychothérapie suite au conseil de leur médecin (38 % en ont suivi une de leur propre initiative et 36 % disent ne pas en avoir bénéficié) [6].
Plusieurs freins limitent la collaboration des médecins généralistes avec les spécialistes de la santé mentale,
- le faible nombre de psychiatres en milieu rural (voir encadré),
- les délais pour obtenir un rendez-vous (imputables directement au manque de spécialistes),
- l’absence de remboursement des consultations avec un psychologue ou un psychothérapeute non médecin
- mais aussi la réticence de certains patients à suivre une psychothérapie [2][3][7].
Les psychologues sont également 64 % à estimer que leur relation avec les médecins généralistes environnants n’est pas optimale [7]. Psychologues, psychiatres et médecins généralistes déplorent une méconnaissance du travail de l’autre ne facilitant pas leur collaboration [2][7][8].
La France a l’une des densités de psychiatres parmi les plus élevées d’Europe, mais leur répartition est très hétérogène !
Au 1er janvier 2020, la France enregistrait 23 psychiatres pour 100 000 habitants, dont 10 en exercice libéral ou mixte ; elle est à la 4e place des 27 États de l’Union européenne.
En 2019, la France comptait 15 479 psychiatres en exercice, la répartition entre les départements est très importante : la densité de psychiatres peut varier de 1 à 4 entre les départements (on compte par exemple, 9 psychiatres pour 100 000 habitants dans l’Aube et dans le Cantal alors qu’il y en a 34 en Gironde, 36 dans les Bouches-du-Rhône et 37 dans le Rhône). Les psychiatres libéraux sont très concentrés dans les grandes agglomérations urbaines comme à Paris avec 99 psychiatres pour 100 000 habitants [16].
Des parcours de santé mentale, difficilement visibles, des collaborations délicates entre médecins et acteurs de la psychiatrie, une surcharge des CMP et une formation insuffisante des professionnels en première ligne (médecins généralistes, médecins scolaires, professionnels de la petite enfance, enseignants…), retardent les diagnostics. Ainsi, dans le cas de la schizophrénie, la durée de la psychose non traitée est estimée à deux ans et pour les troubles bipolaires, le retard est évalué entre huit à dix ans [4]. Un travail plus collaboratif et une formation plus appuyée des médecins généralistes en psychiatrie sont primordiaux pour faciliter la prise en charge en psychiatrie.
Un travail en réseau plébiscité
Les médecins généralistes rapportent ne pas avoir suffisamment de temps pour prendre en charge les troubles psychologiques. Certains mêmes estiment manquer de compétences pour accompagner correctement leurs patients. Les psychologues quant à eux, ne cessent d’être de plus en plus nombreux pour répondre aux besoins des patients. Les médecins généralistes pourraient donc faire appel à eux plus fréquemment [7]. Dans la Meuse des consultations avancées en santé mentale ont été mises en place dans des maisons de santé pluriprofessionnelles, il en ressort que les médecins généralistes et les acteurs de la santé mentale semblent satisfaits de cette collaboration [2]. Plusieurs études internationales montrent même que lorsqu’un professionnel de santé mentale est présent sur le même lieu de travail qu’un médecin généraliste, on observe une meilleure qualité des soins, une diminution des prescriptions de psychotropes et une diminution des coûts [9][10].
Depuis 2018 la CNAM expérimente le remboursement des thérapies non médicamenteuses dans quatre départements. Cette expérimentation est appuyée depuis le 28 mai dernier par le renforcement de l’offre psychologique dans les Maisons de santé Pluriprofessionnelles (MSP) et les Centres de santé (CdS) [11].
Ce travail de concert rapproche les différents intervenants en santé mentale dont les médecins généralistes, et leur permet d’échanger sur leurs pratiques. La rencontre est nécessaire pour instaurer une confiance réciproque et pour créer des liens privilégiés [12]. La communication entre les différents praticiens devient alors plus fluide, la collaboration et l’adressage de patients sont facilités [7].
Les échanges renforcent également les connaissances des médecins généralistes qui souhaitent être davantage formés au cours de leurs études et aussi pendant leur activité en psychiatrie pour mieux aider leurs patients [13][14].
En résumé
En tant qu’acteurs de soins primaires, les médecins généralistes jouent un rôle essentiel dans les prises en charge de troubles psychiques. Ils ont un rôle de prévention, de diagnostic et de suivi. Ils déplorent le manque de collaboration avec le secteur psychiatrique et ne se sentent pas toujours suffisamment formés pour prendre correctement en charge les patients avec des troubles psychiatriques. Ils souhaiteraient faire appel à un second recours dans la majorité des cas [2]. Or les recours utiles aux médecins : infirmiers spécialisés, psychologues et psychiatres ne sont pas facilement accessibles et identifiables, notamment en milieu rural.
Avec la crise sanitaire actuelle, les troubles anxieux et dépressifs ne cessent de progresser. La santé mentale est aujourd’hui un enjeu sanitaire et social majeur. La coopération entre tous les acteurs de la santé mentale, dont le médecin généraliste, est primordiale. Plusieurs initiatives de travail en réseau se développent pour resserrer les liens et optimiser les soins des patients. Le développement de binôme médecin généraliste-psychologue au sein des maisons et centres de santé, instauré en mai dernier dans le cadre du Ségur de la santé, facilite l’accès à une prise en charge psychologique, et ce, sans reste à charge pour le patient.
La santé mentale est une spécialité complexe, l’exercice regroupé pluriprofessionnel semble être une solution à développer pour aider praticiens et patients dans leur parcours de soins.
Un rappel de quelques compétences peut être oubliées, en plus des troubles d’anxiété, d’angoisse et de dépression.
Le psychologue et le psychiatre prennent en charge les :
- Addictions
- Phobies
- Troubles sexuels : inhibition de la libido, impuissance, frigidité
- Troubles relationnels
- Troubles du sommeil
- Troubles alimentaires (TCA)
- Troubles obsessionnels compulsifs (TOC)
Références
[1] Sayers J. The world health report 2001 _ Mental health: new understanding, new hope. Bull World Health Organ, Bull World Health Organ. 2001;79:1085
[2] Aurore Thiesse. Le médecin généraliste et la santé mentale : vers quel recours serait adressé le patient. Sciences du Vivant [q-bio]. 2018. hal-01932076
[3] DREES, « La prise en charge de la dépression en médecine générale de ville », Études et résultats, septembre 20
[4] EUROPEAN COMMUNITIES The State of Mental Health in the European Union. 2004. Disponible sur : http://www.msps.es/fr/organizacion/sns/ planCalidadSNS/pdf/excelencia/salud_mental/opsc_est18.pdf.pdf
[5] FIAT CAROLINE ET WONNER MARTINE Rapport d’information déposé en application de l’article 145 du règlement, par la commission des affaires sociales, en conclusion des travaux d’une mission d’information relative à l’organisation de la santé mentale, n° 2249 , déposé(e) le vendredi 20 septembre 2019.
[6] Étude MGEN / OpinionWay « Les Français et la santé mentale » 2014. Etude MGEN / OpinionWay « Les Français et la santé mentale »
[7] Yohann VERGÈS. COLLABORATION ENTRE MÉDECINS GÉNÉRALISTES ET PSYCHOLOGUES : LE POINT DE VUE DES PSYCHOLOGUES. 2017
[8] Pierre-Hubert Catherine. Point de vue des psychiatres sur leur communication avec les médecins généralistes : une enquête qualitative. Médecine humaine et pathologie. 2012. ffdumas-00768253f
[9] HARKNESS E.F., BOWER P.J. On-site mental health workers delivering psychological therapy and psychosocial interventions to patients in primary care: effects on the professional practice of primary care providers. The Cochrane Database of Systematic Reviews., 2009, 1:CD000532.
[10] CHOMIENNE M.-H., GRENIER J., GABOURY I., et al. Family doctors and psychologists working together: doctors’ and patients’ perspectives. Journal of Evaluation in Clinical Practice., 2011, 17, 2, p. 282 7.
[11] Ministère de la santé_ Dispositif de renforcement en psychologues dans les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) et les centres de santé (CdS). Dispositif de renforcement en psychologues dans les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) et les centres de santé (CdS). – Ministère des Solidarités et de la Santé (solidarites-sante.gouv.fr)
[12] Astrid Jacoud, Isabelle Couvert. Analyse du vécu et des enjeux relationnels des médecins généralistes et psychiatres, dans le cadre de rencontres régulières : une étude qualitative en Isère. Médecine humaine et pathologie. 2018. dumas-01802662
[13] HERNU Charles-Henri Prise en charge psychiatrique en médecine générale et coopération entre médecins généralistes et psychiatres. Etude qualitative réalisée auprès de médecins généralistes du secteur de Saint-Quentin. 2017
[14] Pierre-Hubert Catherine. Point de vue des psychiatres sur leur communication avec les médecins généralistes : une enquête qualitative. Médecine humaine et pathologie. 2012. ffdumas-00768253f
[15] Observatoire, Mutualité Française, Juin 2021, https://www.mutualite.fr/content/uploads/2021/06/MF-Sante-Mentale-Observatoire-Juin-2021.pdf
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